Les passionnés de cinéma d’auteur et de films latino-américains ont été gâtés, vendredi à la salle Ibn Zeydoun d’Alger, lors de la projection de « Después del final » (Après la fin) du réalisateur argentin Pablo César. Présenté en compétition officielle dans la catégorie long-métrage de fiction du 12ᵉ Festival international du film d’Alger, ce drame de 91 minutes a marqué les cinéphiles par son intensité émotionnelle, son écriture sensible et son approche singulière de la solitude.
L’œuvre retrace le destin profondément dense de Gloria Romero, figure artistique majeure en Argentine, peintre, poétesse et galeriste reconnue. Sa vie, riche et tourmentée, est revisitée avec une grande délicatesse. Après une enfance jalonnée d’épreuves dont elle ne se remettra qu’à travers la création, Gloria trouve l’équilibre auprès d’Andrés, un Guatémaltèque issu d’une famille noble. Ensemble, ils construisent un foyer, fondent une famille et développent une complicité forgée par soixante-quatre années de vie commune.
Pourtant, à l’âge où la stabilité semble acquise, une rupture inattendue bouleverse totalement son existence. Andrés décide de s’éloigner et de quitter le pays, laissant Gloria seule face à une vieillesse qu’elle n’imaginait pas devoir affronter sans lui. Dans cette solitude extrême, affaiblie par la maladie et par le poids du temps, elle affronte la présence symbolique du « duende », figure mythologique sud-américaine héritée du folklore et popularisée par Federico García Lorca. Ce personnage, souvent associé aux zones d’ombre de l’existence, représente ici les peurs profondes, la fragilité et l’inéluctable finitude.
Inspiré de faits réels, Después del final se présente comme un portrait intime de l’artiste Luz Fernández de Castillo, dont le parcours a nourri la fiction. Pablo César opte pour une narration non linéaire : le récit avance en spirale, ponctué de flash-back qui éclairent les moments fondateurs de la vie de Gloria. On y découvre ses relations familiales, ses amitiés, ses espoirs artistiques, mais aussi les longues périodes de doute. Gloria y affronte notamment le syndrome de la page blanche, une bataille intérieure qu’elle tente de surmonter en se réfugiant dans la peinture, la poésie ou les souvenirs.
Dans ce film où l’esthétique occupe une place centrale, Pablo César mêle habilement arts plastiques, littérature et philosophie. De nombreuses références, notamment à Platon, viennent nourrir la dimension contemplative du récit. La poésie, omniprésente, agit comme un souffle vital qui accompagne la protagoniste dans ses élans créatifs mais aussi dans ses vulnérabilités. Le réalisateur convoque également des figures littéraires majeures telles qu’Oscar Wilde ou Federico García Lorca.
La réalisation repose sur une ambiance visuelle soignée, oscillant entre réalité et légende, entre concret et imaginaire, et entre noir et blanc et couleur. Cette esthétique traduit la finesse avec laquelle est rendue cinématographiquement l’intériorité d’une artiste au crépuscule de sa vie. L’œuvre se clôt sur une scène poignante : Gloria, désormais auréolée d’une forme de reconnaissance tardive, prononce un discours lors de la réception d’un prestigieux prix littéraire. Pablo César signe un film profondément humain, un hommage au pouvoir de l’art et à la force de la résilience.



