Réalisé en 1952 par Tahar Hannache Les Plongeurs du désert est considéré comme la première œuvre de fiction entièrement algérienne, produite, réalisée et interprétée par des Algériens. Cette œuvre pionnière a été présentée dans le cadre d’un ciné-concert au Théâtre national algérien, lors de la soirée d’ouverture de la douzième édition du Festival international du film d’Alger (AIFF). Tourné à Tolga, dans la wilaya de Biskra, Les Plongeurs du désert met en scène Himoud Brahimi (Momo) dans le rôle de Cheikh Ali, et Djamel Chanderli dans celui de son fils Mansour, entourés de nombreux figurants algériens. Le récit raconte l’histoire simple et poignante des habitants d’une oasis dont le puits vital s’est asséché. Par l’intermédiaire de leur chef, les villageois font appel à de célèbres plongeurs du désert, hommes aguerris et respectés, spécialistes de l’écurage des puits enfouis sous le sable et la boue. Leur intervention patiente et méthodique fait renaître l’eau, qui recommence à couler, sauvant ainsi l’oasis et sa communauté. Le village retrouve sa joie et la nature reprend ses droits.
Mais bien des années plus tard, la machine apparaît. Elle déboule avec son bruit, ses promesses, sa force aveugle. La modernité s’impose, sans demander l’avis de personne, comme si cela allait de soi, et remplace un savoir-faire ancestral transmis de génération en génération. La métaphore semble claire : le monde moderne marginalise la manière traditionnelle de faire et relègue dans l’ombre ceux qui la portent. Cette modernité a le visage d’un rouleau compresseur qui avance sans regarder en arrière. Cheikh Ali vieillit, regarde son fils, qui semble incarner l’avenir, comme pour lui signifier que le combat sera celui de la nouvelle génération, qui devra trouver sa place dans le monde moderne.
L’un des aspects les plus intéressants du film est qu’il montre tout le rituel d’avant le début de l’exploration, où l’on voit le personnage de Himoud Brahimi faire la prière, prononcer des incantations, et se préparer physiquement, cela donne un aspect quasi anthropologique et documentaire. Les Plongeurs du désert rappelle également avec force la dignité silencieuse de ces personnages qui se battent pour leur eau, pour leur vie, pour ce qu’ils sont.
Aujourd’hui, ce film résonne avec une étrange actualité. On observe un retour vers les savoirs locaux, une attention renouvelée portée aux ancêtres, aux patrimoines immatériels, à la transmission. Dans un monde où tout va vite, la mémoire devient précieuse. Le ciné-concert en a donné la preuve en associant la projection à la musique composée par le grand Mohamed Iguerbouchène. Les Plongeurs du désert demeure un jalon essentiel de l’histoire du cinéma algérien. Le revoir sur grand écran, soixante-treize ans plus tard, rappelle que ce cinéma s’est construit très tôt, avec peu de moyens mais beaucoup de conviction, avec le désir d’exister et de raconter un pays par ses propres voix.



