Skip to content

Elle est de celles dont le nom ne s’efface pas. Le 10 décembre 1928 naissait Elaine Mokhtefi, sans savoir qu’un jour, son destin se mêlerait intimement à celui de l’Algérie. Militante, traductrice, organisatrice, témoin des plus grandes heures de l’internationalisme, elle a porté la cause algérienne bien au-delà des frontières, dans les cercles militants comme dans les espaces diplomatiques.

Cette année, le Festival international du film d’Alger (AIFF) a choisi de lui consacrer un hommage. Non pas un hommage protocolaire, figé, mais un salut profond — presque filial — à une femme qui a tant donné à l’Algérie sans jamais rien demander en retour. Dans la salle, les caméras étaient discrètes mais attentives. Parmi elles, celle de la réalisatrice serbe Mila Turajlić, qui prépare un documentaire sur la vie d’Elaine. Elle a tout enregistré, déterminée à saisir chaque seconde de cette reconnaissance enveloppante, chaque geste d’affection, chaque vibration d’émotion qui entourait Elaine en ce moment si singulier.

Et comme un cadeau du hasard, la cérémonie de clôture du festival coïncidait avec son 97ᵉ anniversaire — un symbole parfait pour celle qui a déclaré au public de l’AIFF :
« J’ai été certainement loin de l’Algérie, mais elle ne m’a jamais quittée. Je l’ai toujours portée dans mon cœur, là où mes pas m’ont guidée. »

Au Théâtre national algérien Mahieddine Bachtarzi, lorsqu’Elaine est montée sur scène au bras de son ami de toujours — le président d’honneur du festival, Ahmed Bedjaoui, qui a accompagné toutes les démarches liées à sa venue en Algérie — le public, à commencer par le commissaire du festival Mehdi Benaissa, s’est spontanément levé. Une ovation longue, vibrante, presque solennelle. Les applaudissements ne disaient pas seulement “bravo”. Ils exprimaient la gratitude d’un peuple, la reconnaissance envers une vie entière placée du côté de la justice et de la liberté.

Plus tard, à l’Hôtel El Djazair, au terme du dîner de clôture, un gâteau d’anniversaire est apparu, entouré de sourires émus. La salle a entonné « Happy Birthday » avec une douceur rare, comme on chanterait pour une sœur de lutte, une grand-mère du cœur, une amie fidèle.

Et puis, la nouvelle est tombée : Elaine est désormais officiellement algérienne. À 97 ans. Une nationalité qui lui ressemble — tardive sur le papier, évidente depuis toujours dans la réalité. Une formalité qui rattrape enfin une vérité intime, historique presque : Elaine Mokhtefi appartient à l’Algérie autant que l’Algérie appartient à son parcours.

Car Elaine n’a jamais disparu des combats. Elle était là dans les années de braise, dans l’Alger capitale des mouvements de libération, dans les solidarités qui ont fait rayonner le pays à travers le monde. Elle est encore là aujourd’hui — lucide, vive, profondément attachée à ce pays qu’elle a choisi bien avant que ce pays ne puisse officiellement la choisir en retour.

En célébrant ses 97 ans, l’Algérie n’a pas seulement honoré une femme : elle a salué une part d’elle-même.

Elaine, tu as marché avec nous lorsque le monde semblait s’effondrer. Tu marches encore avec nous aujourd’hui. Et désormais, ce n’est plus seulement ton cœur : ton pays aussi s’appelle Algérie.

Joyeux anniversaire, Elaine !
L’Algérie t’aime — profondément, durablement, infiniment.