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Mardi, au Petit Théâtre de l’OREF, le Festival international du film d’Alger a consacré un panel émouvant à Elaine Mokhtefi, militante engagée corps et âme pour l’indépendance de l’Algérie. Aux côtés de la cinéaste Mila Turajlić et du critique Ahmed Bedjaoui, cette grande figure est revenue sur son parcours, du bureau algérien de New York à l’Algérie indépendante, en passant par Frantz Fanon, l’ONU et le cinéma de combat. 

Un panel s’est tenu mardi au Petit Théâtre de l’OREF, dans le cadre du Festival international du film d’Alger, réunissant la cinéaste et documentariste Mila Turajlić, la militante américaine Elaine Mokhtefi et le critique de cinéma Ahmed Bedjaoui. La rencontre, conçue comme un dialogue croisé, était largement consacrée au rôle d’Elaine Mokhtefi, figure centrale mais longtemps discrète de la lutte pour l’indépendance algérienne. 

En ouverture, Ahmed Bedjaoui a salué l’importance de ce moment pour le festival, pour le cinéma algérien mais aussi pour l’histoire du pays. Il a présenté Elaine Mokhtefi, un témoin direct de la Révolution algérienne, rappelant qu’elle a travaillé au bureau de la délégation du FLN/GPRA auprès de l’ONU à New York au début des années 1960, en plein cœur de la bataille diplomatique pour l’indépendance. 

Bedjaoui a insisté sur le fait que la guerre de libération s’est jouée aussi « sur le terrain de la communication » : Elaine y fut traductrice, médiatrice et actrice de la campagne internationale, aux côtés de diplomates comme Abdelkader Chanderli et Mhamed Yazid. Il a rappelé que ce travail a contribué à faire progresser la question algérienne à l’ONU, jusqu’aux résolutions anticoloniales qui ont marqué la fin de la domination française. 

Il a également évoqué les films Djazaïrouna (Notre Algérie) et Yasmina, produits par le Service cinéma du GPRA et destinés précisément à être montrés aux Nations unies pour éclairer l’opinion internationale sur la lutte algérienne. 

Un retour en Algérie chargé de mémoire

Bedjaoui a rappelé qu’après la victoire de l’indépendance, Elaine Mokhtefi rejoint l’Algérie en 1962, où elle vivra douze ans comme journaliste et traductrice, au service des institutions et des mouvements de libération accueillis à Alger.  Prenant la parole, Elaine Mokhtefi s’est dite très émue d’être à nouveau à Alger et de voir son parcours filmé par Mila Turajlić, qu’elle a décrit comme réalisant un « travail de mémoire » qui fait remonter ses souvenirs et redonne sens, à distance, à ce qu’elle considérait à l’époque comme “normal” : être du côté de la justice, de l’indépendance, de la fin du colonialisme.

Elle est revenue brièvement sur son engagement précoce contre le racisme et le colonialisme aux États-Unis, puis en France, où elle découvre la réalité du colonialisme français et de la condition des travailleurs algériens à Paris dans les années 1950. C’est ce cheminement qui la mènera ensuite vers la cause algérienne, puis au bureau algérien de New York, au moment où la question de l’Algérie arrive devant l’Assemblée générale de l’ONU. 

Genèse d’un film sur Elaine

Mila Turajlić a ensuite pris la parole pour replacer le panel dans le cadre de son propre travail. Invitée pour la première fois au festival en 2013, elle explique que sa rencontre avec l’Algérie a été déterminante dans son parcours. C’est lors d’une édition précédente du festival qu’elle rencontre le caméraman yougoslave Stevan Labudović et entame le projet de documentaires Non-Aligned et Ciné-Guerrillas, consacrés au rôle du cinéma dans la lutte anticoloniale et le mouvement des non-alignés. 

Elaine apparaît déjà dans Ciné-Guerrillas, où elle est filmée comme témoin de la bataille diplomatique à l’ONU. De cette collaboration est née l’idée de centrer un nouveau film sur elle, pour raconter sa vie entière – des États-Unis à Paris, de New York à Alger. Turajlić qui présenté au public un premier extrait indique que ce documentaire est actuellement en montage.