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Le réalisateur revient sur la genèse de Houbla… Un billet de 200 dinars, film singulier où Alger devient matière sensible et où le regard engagé d’une peintre guide la mise en scène. Entre arts visuels, mémoire intime et résonances du réel, il évoque une création née du dessin, d’un visage à peine aperçu, et d’un monde dont il fallait saisir la trace.

Comment est née l’idée de votre film Houbla… Un billet de 200 dinars ?

L’idée du film est liée aux arts visuels, à la peinture, à la photo, au cinéma, ce qui est très, très différent, par exemple, de la littérature. Ça ne se joue pas du tout sur les mêmes modélisations mentales. Quand j’ai compris la différence entre le décalage du regard, que regarder c’est décaler son regard, etc., j’ai commencé à écrire une histoire autour de ça : quelqu’un qui essaye de redessiner le visage d’un homme qu’elle a vu de loin.

Et puis, comme j’ai pensé à Nawel Louerrad tout de suite, et que j’avais vu la série des pigeons qu’elle a réalisée, je me suis dit qu’il fallait introduire son travail pour qu’on la voie vraiment travailler dans le film. J’ai pensé à Nawel directement pendant l’écriture ; je pense que si elle avait dit non, je n’aurais pas fait le film. C’était vraiment important que ce soit elle.

Il est important pour moi qu’un film ait une relation directe avec la situation, avec la politique. Pour moi, d’ailleurs, tous les films sont politiques. Et il s’est passé quelque chose d’important en 2019, donc je me suis dit : je vais raconter, je vais faire comme elle. Elle dessine des pigeons au lieu de dessiner un homme ; moi aussi, je vais faire une translation. En fait, je vais raconter l’histoire d’une femme qui essaie de dessiner un homme, et je vais faire un transfert de son histoire avec notre histoire à nous tous, avec cet événement politique.

Dans le film, à partir du moment où elle a pu mettre des mots sur un visage, elle a pu créer, et son travail s’est transformé. L’art, c’est aussi ça, quelque part ?

Dans la vie de tous les jours, si on veut changer le monde, il faut faire de la politique. Je pense qu’on aura beaucoup plus de chances qu’en écrivant des poèmes, mais ça ne veut pas dire que les poètes n’ont pas de rôle. Je pense qu’il y a une tension entre les deux, qui semble difficile à résoudre dans la vie.

Évidemment, les poètes ont envie de changer le monde, mais leur combat n’est pas le même que celui des militants. Mais si, dans la vie, il est difficile de résoudre cette équation, je pense que dans un film, on peut.

Pourquoi le titre Houbla ?

Houbla, c’est le surnom du billet de 200 dinars qui n’a plus cours aujourd’hui. Et dans le film, il intervient à un moment assez particulier, plutôt vers la fin. Pour le coup, c’est quelque chose de symbolique ; cela a à voir avec quelque chose qui est périmé.

C’était facile de convaincre Nawel Louerrad de jouer dans votre film ?

C’est marrant, parce que tout le monde me pose cette question. Nawel, c’est ma sœur en fait, on est vraiment très proches. Au début, je lui ai raconté l’histoire mais je ne lui ai pas dit que c’était à elle que je pensais, et ça lui a parlé. Elle en a fait une interprétation personnelle.

Quand je suis revenu la voir une semaine après, je lui ai dit que je pensais à elle. Elle m’a tout de suite dit oui. Elle en avait envie, en réalité, donc ça n’a pas été si compliqué, mais je ne suis pas sûr que ce soit très facile de la convaincre.